L’explosion du prix de l’électricité fait flamber les coûts de fonctionnement des remontées mécaniques. Inquiets, les professionnels de la montagne explorent les pistes pour limiter les répercussions sur les skieurs.
Il a vraisemblablement exagéré, mais sa déclaration aura eu le mérite de faire parler du ski. Après la crise sanitaire et le manque de neige, l’explosion des tarifs de l’électricité privera-t-elle les amateurs de ski à Noël ? Sébastien Giraud, directeur général de la régie des remontées mécaniques de Villard-de-Lans, en Isère, a jeté un pavé dans la mare. Face à multiplication par 20 du prix du mégawattheure, «Nous ne serons pas en capacité d’ouvrir la station», a-t-il déclaré au micro d’Amaëlle Brignoli, pour France 3 Rhône-Alpes. La station du Vercors doit renégocier cet automne son contrat triennal avec EDF. «Avec la hausse des prix, la facture d’électricité représenterait entre 20 à 25% de notre chiffre d’affaires. En l’état actuel des choses, nous ne serons pas en capacité d’ouvrir la station car on ne pourra pas la payer », scande Sébastien Giraud.
«Mais, il n’a jamais été question de fermer les stations ! Les remontées mécaniques constituent un service public industriel et commercial avec des obligations d’ouverture», réagit Alexandre Maulin, président du syndicat professionnel Domaines skiables de France (DSF) qui doit participer ce mardi avec les professionnels du Tourisme à une réunion ministérielle sur la sobriété énergétique. «Nos responsabilités dépassent les comptes d’exploitation. Il y a trop de vies autour des stations de ski», renchérit de son côté Patrick Arnaud, directeur de la société de la SCV de la Compagnie des Alpes, qui gère le domaine de Serre-Chevalier, dans les Hautes-Alpes.
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Baisser de 10 à 15% la consommation d’énergie
L’alarmisme inquiète les professionnels de la montagne, qui redoutent une nouvelle stigmatisation des domaines skiables et un impact négatif sur les réservations. Tous travaillent à baisser de 10 à 15% leur consommation d’énergie pour préserver les sports d’hiver et la montagne de demain, et tiennent à le faire savoir. À l’image de Serre-Chevalier, station phare des Alpes du sud, qui vise 30% d’indépendance énergétique en 2023. «Serre-Che» développe depuis plus d’une décennie les énergies renouvelables, avec notamment deux éoliennes plantées sur un sommet et une turbine hydroélectrique bientôt complétée d’une deuxième. «On va utiliser la gravité, les canalisations qui existent déjà pour la neige de culture. L’usine fonctionne 800 heures par an pour la produire entre novembre et mi-février. Le reste du temps, elle va produire de l’électricité», nous avait expliqué Patrick Arnaud lors de sa mise en place.
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Aujourd’hui, Serre-Chevalier fait tourner ses remontées mécaniques «avec la juste énergie», en mesurant la consommation de chaque appareil au regard du service apporté. Et l’exploitant peaufine son expertise en posant carrément les questions qui fâchent aux skieurs : «Un télésiège qui chauffe les fesses, c’est superflu ou pas?» «Quels efforts seriez-vous prêt à faire pour réduire l’empreinte carbone de votre séjour?» Ou encore: «Imaginez: on manque de neige naturelle en bas de la station. Du coup, on descend exclusivement en télécabine?», est-il demandé aux amateurs sur le site Tousengages-serrechevalier.com
Répercussion sur le prix des forfaits
«Contrairement à ce qui a pu être dit, il n’est pas question de demander au gouvernement un «bouclier tarifaire» comme accordé aux ménages, précise Alexandre Maulin. Mais face au mur de charges qui se dresse devant nous, nous voulons pouvoir répercuter une partie de cette hausse dans notre prix de service. Et aussi revoir la part d’électricité à bas coût dans le cadre de l’Arenh. Elle n’est que de 30% dans notre volume d’offre contractuelle, compte tenu de notre profil de consommation.».
Aux Sybelles, en Savoie, celui qui préside aussi la société d’exploitation des remontées mécaniques, a renégocié au printemps plutôt qu’à l’automne le contrat avec son fournisseur d’énergie. «Les prix n’arrêtaient pas de grimper, j’ai préféré anticiper», confie-t-il. Il n’empêche, les skieurs risquent bien au final de payer la facture. «Une des options est la répercussion sur le prix des forfaits», concède-t-il du bout des lèvres. Patrick Arnaud (Serre-Chevalier) relativise : « Si on devait calculer la répercussion des coûts de l’énergie sur les forfaits cela resterait marginal, un choc moins violent que l’essence cet été. Cela n’a pas empêché les Français de partir en vacances. »
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