Dans le pays du Sarladais, forteresses et châteaux foisonnent comme cèpes à l’automne. Dans ce pays austère et ombreux, tout bardé d’Histoire et d’histoires, une boucle vient chatouiller les rives de la Dordogne et conduit de nobles murailles en donjons perchés.
On ne devrait visiter la vallée de la Dordogne qu’en pourpoint de velours et hauts de chausse assortis. Troquer dès l’approche de Périgueux sa carriole à pistons contre, selon ses dispositions, un étalon aux naseaux frémissants ou un roussin débonnaire. Nul pays n’a sans doute engendré tant de castels, forteresses, gentilhommières et manoirs : le moindre escarpement, la moindre élévation de rochers a été prétexte pour y construire une demeure fortifiée et assujettir les vallées alentour.
Cette randonnée d’humeur moyenâgeuse prend son élan depuis Castelnaud-la-Chapelle, classé parmi «les plus beaux villages de France» et fait sur 16 km la part belle au patrimoine ancien dans un cadre de collines entrecoupées de falaises et de rivières solennelles. L’itinéraire offre des points de vue sur les châteaux de Lacoste, les Milandes, Beynac-et-Cazenac, Feyrac, Marqueyssac et s’invite enfin dans les murs de celui de Castelnaud.
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La boucle de Castelnaud, la randonnée en pratique
16 km > 4h30 > dénivelé +470 / -470 m > Balisage jaune (voir notre carnet pratique pour bien vous repérer sur le parcours).
Carte IGN 2037OT – La Roque-Gageac / Domme / Gourdon / Vallée de la Dordogne
Départ : Parking Place Tournepique à Castelnaud-la-Chapelle. Point GPS : N 44.813018 – E 1.152757
RANDONNÉE, LE GUIDE DU FIGARO
Castelnaud-la-Chapelle et son château
Avant de s’élancer sur les chemins abandonnés aux feuilles de chênes et courir sus aux coquins, coupe-jarrets et autres canailles qui hantent peut-être encore ces sombres forêts, le gentilhomme randonneur prendra soin de gravir les volées d’escaliers menant au donjon du château de Castelnaud. Ces marches étroites et irrégulières, qu’il faudrait s’imaginer grimper engoncé dans une cuirasse et coiffé d’un cabasset, sont de véritables «casse-pattes» et permettent de fait de s’échauffer gaillardement les cuissots pour la marche à venir. La célébrissime bâtisse, juchée à flanc de colline sur la rive gauche de la Dordogne, abrite une pittoresque collection d’armes moyenâgeuses, de la haquebute à croc, formidable pétoire de bronze de 26 mm, au fauconneau, élégant petit canon qui envoyait ses plommées à 200 pas. En redescendant, il n’est pas nécessaire de s’attarder dans le petit bourg qui se pelotonne aux pieds du château, pâle collection de magasins de souvenirs ou de gargotes se réclamant les unes «des remparts», les autres «des mâchicoulis» afin de happer quelques-uns des nombreux visiteurs. Avec 220;000 entrées annuelles, Castelnaud est aujourd’hui le château le plus visité du sud de la France.
Le long du Céou
Au-dessus de Tournepique, le sentier s’immerge dans une vague de charmes et de noisetiers, à laquelle succède la longue houle des chênes verts, ceux-là même dont les feuillages sombres et persistants ont donné sa «couleur noire» à cette partie du Périgord. Ce Périgord Noir, décidément béni des dieux, recèle à l’orée de ses obscures forêts un patrimoine bâti exceptionnel. Comme cette borie que les paysans du coin préfèrent nommer sans façon cabane ou cazelle, un abri tout rond construit avec les pierres sèches extirpées de terre par le soc de la charrue. Leurs lourdes toitures de lauzes forment une voûte parfaite, parfois suffisamment vaste pour y loger une paire de bœufs. Voilà bien deux décennies que le vent de la restauration architecturale souffle sur le pays, redressant les murs, renforçant les pignons, ajourant les façades aveugles de larges baies vitrées. Des petits chantiers fleurissent un peu partout dans la campagne, comme ici à Générille, où un artisan redonne vie à une maison effondrée à l’aide de ces petites pierres calcaires d’une pâleur un peu roussie, qui donnent tout son caractère au bâti de la région. L’itinéraire conduit en direction du Sud par une petite route peu fréquentée jusqu’à proximité du Château de Lacoste, perché depuis le XVIIe siècle au-dessus du Céou. Son parc renommé est aujourd’hui le cadre de mariages fastueux.
Point de vue sur le château des Milandes
Non loin, un ancien séchoir à tabac désormais reconverti en remise de matériel agricole rappelle l’importance naguère de cette culture dans l’économie du pays. Après les ravages du phylloxéra, l’hémorragie de l’exode rural aggravée par les saignées de la Grande Guerre, tout le Périgord échappe à la révolution industrielle, et ne tarde pas à sombrer dans le coma. Une léthargie profonde dont il ne serait peut-être pas sorti sans la perfusion du tabac. En fin de matinée, les cigales commencent à pousser leur lancinante chansonnette. Un léger détour par le roc de la Garde permet de reprendre haleine en contemplant les tours Renaissance du château des Milandes dans leur écrin de campagne chaude et dorée. En 1947, Joséphine Baker l’avait acheté pour se reposer des turbulences du music-hall avant d’être obligée de le vendre, ruinée, en 1968.
Fantômes de la Guerre de Cent ans
De retour sur le PR, le circuit traverse le village de la treille avant de passer devant les grilles du château de Fayrac qui ne se visite pas. Au Nord, les murailles austères de la forteresse de Beynac se découpent en donjon, bretèches et échauguettes sous un ciel lourd de menaces. Beynac, l’une des quatre baronnies du Périgord avec Biron, Bourdeilles et Mareuil, défie du haut de son éperon rocheux son irréductible ennemi, là-bas sur l’autre rive de la Dordogne, Castelnaud. Lors de la Guerre de Cent ans, ce dernier prend fait et cause pour l’Anglois, tandis que Beynac reste fidèle à la couronne de France. Castelnaud fait construire Fayrac, un castel massif et ramassé près de la rivière afin de surveiller Beynac d’un peu plus près, qui lui-même réplique avec Marqueyssac dont le belvédère s’avère fort utile pour renseigner sur les besognes et agissements ennemis. La vallée est encore toute trémmulante de cette rivalité séculaire qui oppose toujours, même s’ils s’en défendent en public, les propriétaires. Les hirondelles de roche et les choucas des tours qui volent en toute liberté d’un château à l’autre ricanent encore de ces querelles de donjons.
Carnet pratique
ITINÉRAIRE
Départ depuis la place Tournepique à Castelnaud-la-Chapelle. Depuis le parking de Tournepique, monter dans le village en suivant la direction «Château Écomusée». Empruntez la petite route qui monte sur le plateau au-dessus du village jusqu’à l’écomusée de la Noix du Périgord. Situé à Viel Croze dans un ancien corps de ferme restauré du XVIIIe siècle, cet espace naturel vivant vous invite à découvrir les origines, l’histoire, le travail, la culture du noyer et de la noix du Périgord. Suivre le balisage jaune prendre à gauche, puis à droite, et à gauche pour finir tout droit jusqu’au croisement. Continuez à travers bois en suivant les balises jaunes, en direction des Milandes vous croiserez le GR64, que vous emprunterez sur une courte distance pour reprendre sur un circuit jaune par la forêt jusqu’au lieu-dit la Treille puis Fayrac. Après Fayrac prendre à droite un chemin forestier menant à Bruyère pour rejoindre à nouveau le GR64. Continuer jusqu’au bourg.
BONNES ADRESSES
Château de Castelnaud et son musée de la guerre au Moyen Âge. Attention donc à l’affluence en juillet –août, notamment l’après-midi. Entrée adulte : 11,90 €.
Château de Castelnaud, 24250 Castelnaud-la-Chapelle. Tél. : 05 53 31 30 00.
Château de Beynac. L’éternel rival de Castelnaud est sur la rive nord de la Dordogne. Entrée adulte : 9,50 € avec l’audio-guide.
Château de Beynac, Route du château, 24220 Beynac-et-Cazenac. Tél. : 05 53 29 50 40.
Les Jardins du manoir d’Eyrignac. Joyau de l’art topiaire avec 10 hectares de sculptures végétales. Entrée adulte : 12,90 €.
Eyrignac et ses jardins, 24590 Salignac-Eyvigues. Tél. : 05 53 28 99 71.
Les gabares Norbert . Au départ de la Roque-Gageac, embarquez à bord d’une réplique de gabarre du XIXe pour découvrir de la rivière les châteaux de Marqueyssac, Lacoste ou Castelnaud. Tarif adulte pour une balade de 55 min : 10,90 €. Tél. : 05 53 29 40 44.
Restaurant La Belle Étoile . Cuisine raffinée à la Roche-Gageac. Menu de 30 € à 55 €. Tél. : 05 53 29 51 44.
Plus d’infos : Comité départemental de tourisme de la Dordogne. Tél. : 05 53 35 50 24.
Cet article, initialement publié le 23 mai 2021, a fait l’objet d’une mise à jour.
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