ENTRETIEN – L’écrivain-aventurier a passé quatre mois à ski sur les crêtes des Alpes avec son ami Daniel du Lac. Il en a tiré un récit en forme d’hymne à la neige, Blanc (Gallimard), qui caracole en tête des ventes de livres cet automne.
LE FIGARO. – Quelles sensations éprouvez-vous face à d’infinies étendues de neige ?
Sylvain TESSON. – Cela me ramène à mes premières violentes expériences de voyage en Sibérie. La neige rajoute l’impression du néant à l’immensité. Non seulement l’horizon paraît inaccessible mais soudain, il est invisible. « Après la plaine blanche une autre plaine blanche », comme le voit Hugo dans Les Châtiments. Alors, seule la patience (plus que l’effort violent et plus que la vitesse) peut triompher des distances. Les nomades le savent. Dans la neige, tout s’annule, les espoirs et les ambitions, les regrets et les souvenirs. On avance. On oublie. On glisse. On pense. Un jour, on arrivera.
Comme une sensation de vertige horizontal ?
Oui, un genre de vertige. Dans la neige, la combinaison de l’effort et de l’absence de relief provoque le sentiment de disparition du temps. Dilatation de l’espace et annulation du temps : c’est le coma vivant ! On n’a plus de projet et la mémoire…