Les maires des communes de Vars et de Risoul sont d’accord. Mais pas les exploitants des remontées mécaniques. La jonction de la Forêt Blanche, deuxième plus grand domaine du département, ne devrait pas ouvrir cet hiver.
Jusqu’à la dernière minute, ils ont voulu y croire. La Forêt Blanche, deuxième plus vaste domaine skiable des Hautes-Alpes, était leur objectif commun. Après des semaines de discussions, puis un renoncement qui avait fait grand bruit dans la presse, Dominique Laudré, maire de Vars et gérant de la société de remontées mécaniques SEM-Sedev de la station, Régis Simond, édile de la commune de Risoul, et Jean-Yves Rémy directeur de l’exploitant de la station, Labellemontagne, avaient relancé leurs négociations pour ouvrir la liaison. «Jusqu’à midi, je n’y croyais plus. Et puis les tractations ont repris», nous révélait vendredi un témoin.
Dès lors on espérait que cet hiver encore les skieurs des deux stations des Hautes-Alpes pourraient glisser sur l’ensemble du domaine interconnecté aux 185 pistes et 56 remontées mécaniques, 1100 mètres de dénivelé, de 1650 m à 2750 m d’altitude. La Forêt Blanche a été créée en 1976 entre Vars et Risoul.
Seulement voilà, si Vars et Risoul vendent à peu près le même nombre de forfaits, c’est à Vars qu’on skie le plus. «D’après la dernière étude, 70% de Risoulins viennent à Vars 4 à 5 heures par jour, et un peu moins de 30% de Varsins basculent côté Risoul pour déjeuner ou se faire une piste», déclare notre interlocuteur. De fait, sur 110 km de pistes, les trois-quarts donc, se trouvent côté varsin dont le domaine bénéficie, en outre, de points de vue spectaculaires depuis les crêtes (dont celle de l’Eyssina) et d’un ski panoramique plein soleil sur Peynier. Risoul, que son site internet présente comme «la plus intime des grandes stations», est monotype, avec un ski forestier, splendide, dans les mélèzes.
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«Ce sont les deux communes qui sont prises en otage !»
En raison du déséquilibre, Labellemontagne reverse chaque hiver une partie de ses recettes à la SEM-Sedev. Mais le montant de la réversion est souvent source de conflit. Chaque hiver, Vars se sent lésée. Alors cette année, à la faveur de la crise énergétique qui touche les domaines déjà éprouvés par l’année blanche due au Covid-19, Dominique Laudré a voulu mettre le holà, refusant la somme proposée de 500.000 à 600.000 euros, qu’il juge inéquitable. Jean-Yves Rémy arguait au micro de BFM de la nécessité de «mettre un plafond», pour «éviter les effets de bord», ne pas mettre son entreprise en difficultés. Pourtant, vendredi 2 décembre, c’est en proposant le déplafonnement que la discussion se serait débloquée. Contactée, la direction de Labellemontagne n’a pas souhaité répondre.
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Vars aurait revu ses prétentions à la baisse. Cela n’a pas suffi. Le montant de réversion de 1,2 million d’euros TTC escompté était encore trop élevé pour l’exploitant de Risoul qui demandait «une moins-value de 30% pour frais de commercialisation», selon nos informations. Les désaccords au sein même de Labellemontagne auraient coûté son poste à l’ancien directeur de la station de Risoul, Stéphane Poudevigne, remercié il y a un mois par son PDG, Jean-Yves Rémy. La raison : «Il avait proposé une solution juste et économiquement rentable à Vars et cela n’a pas plu», croit savoir notre source. Et de pester : «Ce sont les deux communes qui sont prises en otage ! Une collectivité locale ne peut pas durablement financer un privé qui ne joue pas le jeu.».
Se relier, c’est être attractif
À quatre jours de l’ouverture des pistes, le 10 décembre, la Forêt Blanche ne les reliera donc pas. Et c’est son existence même qui semble improbable au regard de l’histoire, si différente, des deux stations. Vars est une destination patrimoniale. Elle s’est développée entre les deux guerres autour de quatre villages serpentant autour de son col entre Guillestre et Barcelonnette, aux portes de ce qui deviendra le parc naturel régional du Queyras. Son cœur de vie, Vars les Claux, a été créé en 1962 sur les cendres d’un précédent village et sur la base des premières installations qui ont poussé en 1936. Risoul, elle, a lancé son premier fil de neige en 1964. Et sur le lieu-dit les Chalps, à 1850 mètres, s’est créée en 1972 une station intégrée aux allures de villages de vacances. D’emblée elle a songé à connecter ses pistes à celles de sa voisine.
L’annonce de la non-ouverture de la liaison avait déjà eu «un impact psychologique réel, confie un témoin. Ceux qui viennent de loin se disent que ce n’est pas très grave, étant surtout attachés à leur station. Mais les locaux le vivent de manière animale, avec cette impression qu’on leur met une barrière». De fait, tous les domaines interconnectés jouent sur l’aspect psychologique. Se relier, c’est être attractif. La jonction a l’importance qu’on s’en fait. Statistiquement, les skieurs utilisent 8 à 10 % des domaines. Dans les 3 Vallées, en Savoie, qui relient huit stations, seulement 20 % des 600 kilomètres de pistes seraient empruntés régulièrement par les skieurs. Il n’empêche, l’immensité donne la possibilité de choisir. Or, entre Vars et Risoul, le choix est mince. Sans jonction, Risoul a bien plus à perdre.