DÉCRYPTAGE – Ce label payant garantit d’importantes retombées touristiques aux 164 villages qui le détiennent. Mais la sélection est rigoureuse, tant les critères sont restrictifs.
Villages médiévaux en Corrèze, perchés en Aveyron, fleuris en Normandie, ils ont pour nom Collonges-la-Rouge, Conques ou Lyons-la-Forêt. Leur point commun ? Ils font partie des 164 communes à porter le label «Les Plus Beaux Villages de France», du nom de l’association créée en 1982 pour distinguer celles qui sont dotées d’un patrimoine architectural remarquable. Quatre communes ont rejoint cette liste cette année – Tournon-d’Agenais (Lot-et-Garonne) et Châtillon-en-Diois (Drôme) en juin, Polignac (Haute-Loire) et Le Malzieu-Ville (Lozère) en septembre -, tandis que Cordes-sur-Ciel (Tarn) l’a réintégrée après un déclassement.
Pour les heureux élus, c’est l’assurance de gagner en attractivité. Dans l’année qui suit leur classement, ces communes attirent 30 % de touristes en plus, selon l’association. Mais décrocher cette distinction se mérite, tant la sélection est rigoureuse et les critères restrictifs. «Lorsqu’un village soumet sa candidature, nous vérifions en premier lieu qu’il respecte trois prérequis : sa population doit être de 2000 habitants au maximum, il doit posséder au moins deux sites bâtis ou naturels classés (par exemple au titre des monuments historiques) et la candidature doit faire l’objet d’une délibération au Conseil municipal», détaille Pascal Bernard, délégué général chargé de qualité au sein de l’association. Ne pas respecter au moins l’un de ces critères est éliminatoire.
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Jusqu’à 4800 € d’adhésion par an
«Une fois le dossier de candidature constitué et validé, je conviens d’un rendez-vous avec le maire pour réaliser une visite-expertise qui dure généralement une journée», poursuit Pascal Bernard, sorte d’enquêteur de terrain. L’occasion pour lui de consulter les documents d’urbanisme de la commune et d’évaluer les 27 critères établis par l’association depuis 1991. Qualité des abords et des accès du village, harmonie et homogénéité architecturale, végétalisation, fleurissement et traitement paysager… Tout est passé au peigne fin.
Lors de cette visite, l’inspecteur réalise un reportage photo et vidéo et fait la description de tout ce qui participe à la vie locale, comme les hébergements ou les commerces. «Ce reportage est présenté à la commission qualité qui s’en sert pour donner sa décision», précise le technicien. Cette instance est composée d’une vingtaine de bénévoles, presque tous des élus. «Ses membres sont invités à visiter eux-mêmes les villages candidats afin de se faire leur propre idée. Cela explique que le délai entre la candidature et la décision soit assez long, entre six mois et un an», poursuit Pascal Bernard.
Toutes ces démarches ont un coût, parfois non négligeable pour des petites communes de quelques centaines d’habitants. Le village doit d’abord débourser 900 € pour les frais d’expertise. Puis, une fois qu’il est classé, il doit s’acquitter de frais d’adhésion annuels de 1200 € à 4800 € (un forfait de 1200 € pour la première tranche de 300 habitants, puis 2,50 € par habitant). Cette adhésion donne le droit d’utiliser le logo «Les Plus Beaux Villages de France», notamment dans les outils de communication (offices de tourisme…) et sur les panneaux d’entrée du village.
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Un réexamen tous les six ans
À l’issue de cette commission, qui se réunit chaque année en juin et en septembre, trois décisions peuvent être votées à la majorité des deux-tiers : le classement à l’unanimité, celui «avec réserves» et le non-classement. Les municipalités recalées doivent attendre au minimum six ans avant de candidater à nouveau, «même si, dans les faits, ce délai est réduit pour les candidats refusés à quelques voix près», souligne Pascal Bernard.
C’est ainsi que Châtillon-en-Diois, au centre d’un triangle formé par Valence, Montélimar et Gap, a pu se représenter seulement deux ans après une première candidature en 2018. «En engageant des travaux de rénovation, notamment de l’Hôtel de Ville classé, et en rendant l’entrée du village plus accueillant, nous avons réglé les points problématiques de notre candidature, explique Jacques Malod, chargé de communication du village. L’association nous a ainsi autorisés à nous représenter au bout de deux ans.» Une deuxième tentative fructueuse, puisque le village a été labellisé en juin 2021.
Des villages pas à l’abri d’un déclassement
La distinction n’est pas attribuée ad vitam aeternam et peut être remise en cause. L’association procède au réexamen des villages classés tous les six à neuf ans pour s’assurer qu’ils satisfont toujours tous les critères. En près de 40 ans d’existence, l’association n’a exclu que quelques communes. La construction d’immeubles modernes ou une trop importante circulation automobile peuvent leur porter préjudice.
D’autres quittent intentionnellement le réseau, souvent par choix politique, notamment en ne renouvelant pas l’adhésion. Ce fut le cas de Cordes-sur-Ciel, à 20 km au nord d’Albi. «Le village avait fait partie des membres fondateurs de l’association en 1982 avant de cesser d’y adhérer à la fin des années 1990», nous rappelle le maire Bernard Andrieu, élu en 2020. Incités par d’autres communes labellisées en Occitanie , nous avons soumis une candidature en début d’année et elle a été acceptée à l’unanimité en juillet.» Une belle récompense pour la cité médiévale qui fêtera ses 800 ans en 2022.