HUMEUR – Elles ponctuent vos voyages jusqu’à la saturation : les annonces de sécurité semblent être le nouveau Graal des transporteurs. Sauf qu’elles sont si nombreuses qu’on ne les écoute plus. Et qu’elles donnent à nos voyages un air de Black Mirror…
Vous êtes à la queue leu leu, attendant de passer le filtre de contrôle dans un aéroport et une voix synthétique et nasillarde vous demande de respecter la distanciation physique. Quelques secondes plus tard, une autre voix tout aussi désagréable vous rappelle de surveiller vos bagages, de ne pas fumer, de ne pas faire ceci ou cela selon la lubie des autorités locales. Sans compter évidemment les annonces d’embarquement, de changement de porte…
Dans les gares, c’est du pareil au même. Vous êtes 500 à vous ruer vers les portiques de contrôle des billets pour accéder au TGV, et Simone Hérault, ancienne speakerine de FIP devenue la voix de la SNCF depuis quarante ans, demande de respecter le mètre de sécurité entre vous et votre voisin, de ne pas laisser vos bagages sans surveillance, de faire attention à l’arrivée, au départ d’un train, de vous écarter des voies. Bref, dans l’un et l’autre cas, impossible d’être au calme ! Les annonces se succèdent sans relâche et ajoutent du stress à des conditions de voyages de plus en plus éprouvantes.
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La mésaventure du Président Paul Deschanel, tombé, en 1920 d’un train en marche semble avoir traumatisé ad vitam aeternam la SNCF
À bord, c’est pire. La douce et familière Simone Hérault a été doublée par une amnésique qui, d’une voix d’institutrice chargée d’un groupe d’attardés, répète à chaque arrêt… « Nous arrivons, avez-vous pensé à prendre toutes vos affaires ? N’oubliez rien ». L’annonce est suivie de sa traduction en anglais, sur un mode plus didactique et moins infantilisant. Enfin, il y a le contrôleur qui vous avertit qu’il ne faut descendre d’un train que s’il est à l’arrêt et à quai. Comme si la mésaventure du Président Paul Deschanel, tombé, en 1920 d’un train en marche avait traumatisé ad vitam aeternam la SNCF. Plutôt que le ridicule slogan collé sur les vitres « Fenêtre avec vue », pourquoi pas, si l’avertissement est juridiquement indispensable, un simple petit panneau sur les portes disant « Attention ! Ne descendre que si le train est à l’arrêt et à quai » ?
À la gare de La Part-Dieu à Lyon, la SNCF a tenu à installer ses portiques de contrôle malgré l’exiguïté de l’espace. Thrombose garantie à chaque embarquement. Plutôt que de passer au contrôle manuel des billets, efficace et plus rapide, elle a été obligée de s’assurer les services d’un agent-aboyeur. Doté d’un puissant mégaphone, le voilà à hurler, comme le cow-boy dans la bétaillère, des « Avancez jusqu’au fond ! ». Ah ! La sérénité des voyages. Chez Hop!, même combat… La bande musicale déployée à l’embarquement vous demande une dizaine de fois de mettre votre valise cabine dans les coffres à bagages, et tant pis si tout le monde s’est exécuté au premier appel.
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À quand l’annonce nous priant de ne pas oublier d’aller aux toilettes en cas d’envie pressante ?
Bref, la pléthore d’annonces – aussi inutiles les unes que les autres – transforme le voyageur, individu libre et responsable, en élément d’un troupeau en pleine migration. Et le nombre des avertissements est en croissance exponentielle, conférant à ce moment particulier – le départ en voyage – une touche angoissante de dystopie. Entre George Orwell et Black Mirror. Pourquoi les compagnies aériennes ou ferroviaires n’essayent elle pas de limiter les annonces ?
Entre celles voulues par les aéroports, les gares, les autorités de sûreté, mais aussi localement par la volonté de certains responsables politiques, tout le monde en rajoute. Le syndrome de la pancarte « sol glissant » en quelque sorte. Tout cela à cause d’un voyageur mal intentionné qui aurait glissé sur un sol fraîchement lavé et tenté, à la mode américaine et avec l’aide d’un avocat, d’intenter un procès et de gagner des indemnités juteuses…
Sans oublier cette annonce dans les grandes gares qui vous préviennent toutes les 6 minutes qu’il « fait chaud », au cas où vous ne vous en seriez pas aperçu, et donc qu’il ne faut pas « oublier de boire ». À quand l’annonce nous priant de ne pas oublier d’aller aux toilettes en cas d’envie pressante ? Au moins celle-là serait drôle.