Comme chaque mois de décembre, la grille horaire des trains change ce dimanche partout en France. Le fruit d’un travail mené pendant deux ans par les horairistes la compagnie ferroviaire. Plongée dans les coulisses.
Si vous prenez le train aujourd’hui, vous l’aurez sans doute remarqué : les horaires de votre ligne ont changé, souvent de quelques minutes, parfois plus radicalement. Et pour cause, chaque deuxième dimanche de décembre correspond à la mise en place d’une nouvelle grille horaire (ou «service annuel», pour employer le terme technique) en France et en Europe. Elle intègre toutes les circulations de TGV, Ouigo ou TER programmées sur l’année à venir. Mais qui décide de faire partir un train à 8h07 plutôt qu’à 8h09 ? Et comment expliquer certaines curiosités, comme les différences de temps de parcours d’un jour à l’autre ?
Concevoir ces horaires est la mission des horairistes de SNCF Réseau. La filiale du groupe SNCF en charge des infrastructures ferroviaires en compte 300 au niveau national et une centaine dans les régions. «L’horairiste est en quelque sorte l’horloger du rail. Avec 15.000 trains en circulation chaque jour, ce sont près de six millions de sillions horaires à attribuer par an, souligne auprès du Figaro Camille Fluteaux, experte appui technique des équipes d’horairistes. Parmi ces circulations, il y a évidemment les trains de voyageurs de l’opérateur national (TGV inOui, Ouigo, TER…), mais aussi ceux de ses concurrents (comme Trenitalia), ainsi que les convois de fret ou les engins de travaux.
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Des horaires des trains élaborés deux ans à l’avance
«Un service horaire se prépare au moins deux ans à l’avance», poursuit Camille Fluteaux. Tout commence par les demandes de sillons émises par la quarantaine d’entreprises ferroviaires qui circulent sur le réseau français. Un sillon, c’est un créneau horaire sur lequel un train est autorisé à circuler entre un point A et un point B à un instant précis. «Sur nos logiciels de conception, les horaires sont représentés sous forme de graphique dont chaque trait équivaut à un sillon. Tout le défi est de répondre à ces demandes de manière équitable en s’assurant qu’elles n’entrent pas en conflit avec d’autres circulations.» S’ensuit un casse-tête digne de Tetris, où il faut faire preuve de réflexion et de précision, en particulier sur les parcours en heure de pointe impliquant la desserte de gares très fréquentées. Ainsi, il peut arriver que les sillons attribués soient finalement différents de ceux demandés, comme le rappelle ce document technique de SNCF Réseau.
Longueur et masse du train, matériel utilisé, vitesse limite, profil géographique de la ligne, heure d’ouverture des gares, présence de travaux… Une multitude de critères entre en compte dans l’attribution des horaires. «Un train circulant en unité simple [rame seule, NDLR] n’a pas les mêmes caractéristiques qu’un train en unité double [deux rames accrochées l’une à l’autre, NDLR], de même qu’un train de fret circulant en montagne n’implique pas les mêmes contraintes qu’un train commercial circulant sur un relief plat», détaille Camille Fluteaux. Une fois l’horaire validé, l’horairiste attribue un numéro de train, celui qui figure sur votre billet et les tableaux d’affichages des gares.
Pour la grille horaire 2023 (qui s’applique donc dès ce dimanche 11 décembre 2022), les demandes de sillons ont été déposées au plus tard en avril dernier. Concernant les itinéraires transfrontaliers, les horairistes se coordonnent avec leurs homologues des pays voisins, qui bouleversent aussi leurs horaires en décembre qui le veut le règlement européen. Les services annuels intègrent également les rames circulant ponctuellement comme les services vers les stations de montagne en hiver, vers le littoral en été, vers Strasbourg lors des fêtes de fin d’année et même les trains de pèlerins vers Lourdes.
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Et en cas d’imprévus ?
Une fois mise en place, la grille horaire n’est pas pour autant gravée dans le marbre. Après la «construction», les horairistes passent en phase d’«adaptation» afin d’ajuster la grille en cas d’imprévus. Une grève ou un incident technique oblige à remanier le plan de transport. De même, des circulations peuvent être ajoutées en dernière minute, par exemple en cas d’intempéries. «Les horairistes️ contribuent aussi à la régularité des trains en automne en insérant dans les circulations déjà en place des trains laveurs de rails dont le rôle est de retirer les feuilles mortes», rappelle Nicolas, horairiste sur le réseau nord de Paris, qui partage avec passion toutes les subtilités de son métier sur son compte Twitter @HorairisteSNCF.
Pour éviter le grain de sable dans l’engrenage, une marge de régularité est parfois ajoutée dans le calcul des horaires. Elle permet d’absorber les aléas de circulation, comme un stationnement prolongé ou un défaut de signalisation. Sur une ligne classique, elle correspond à 4 ou 5 minutes supplémentaires par tranche de 100 km. Ainsi, même avec un retard de quelques minutes, un train reste dans son sillon et ne risque pas de perturber les autres circulations.